Rapport de Santé Publique France et de l'Institut national du Cancer ; un changement de politique de la France ?

La France est-elle en train de changer sa politique vis-à-vis de la vape ?
C'est la question que l'on peut se poser après la publication d'un rapport rédigé conjointement par Santé Publique France et l'Institut national du Cancer (INCa) que vous pourrez trouver sur cette page puis en cliquant sur le lien "dossier de presse" au milieu de la page.

En effet, jusqu'à maintenant, hormis la déclinaison de la directive européenne sur les produits du tabac en 2016 que la France était obligé d'appliquer, avec son lot de mesures discutables, les vapoteurs étaient plutôt tranquilles. Pas de lois restrictives en vue. Les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron nous ont laissé une paix royale. Ils avaient d'autres chats à fouetter. Les magasins de vape ont même été classés "magasins essentiels" lors du premier confinement.

Et les organismes publics spécialisés dans la santé comme Santé Publique France ou l'Institut National du Cancer tenaient des propos publics plutôt favorables à la vape. Au point même que ces deux organismes ont participé au dernier sommet de la vape (lire ici), expliquant que la vape était une méthode de sevrage tabagique qui devait être prise en considération comme les autres.

2023.
A la lecture de ce rapport, on constate que le ton a changé.
La vape est abordée de la page 13 à la page 15.

Je vous prose deux extraits :

"Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, l’impact de la cigarette électronique sur le risque de cancer n’est pas aujourd’hui prouvé. La littérature scientifique semble pencher -avec le recul encore faible dont elle dispose- vers une nocivité moindre que celle du tabac. Pourtant, plus d’un Français sur deux (52,9 %) la considère aussi ou plus nocive que la cigarette traditionnelle. Par ailleurs, les Français sont majoritairement convaincus (82,7 %) que la nicotine qu’elle contient peut provoquer un cancer et 75 % d’entre eux la jugent nocive pour la santé."

Beau moment comique. Première phrase : on explique qu'on pense que la vape pourrait être un peu moins dangereuse que le tabac, mais on n'est pas trop sûr. Et la deuxième phrase, on s'étonne que la population française soit méfiante. C'est de l'hypocrisie ou je ne m'y connais pas !

Même topo pour ce paragraphe :

"Nous ne disposons pas aujourd’hui d’éléments pour documenter clairement la trajectoire des usagers ni le potentiel risque d’entrer dans le tabagisme par la voie de la cigarette électronique. Toutefois, l’attractivité de ce dispositif peut représenter un frein à la dénormalisation du tabac au sein de cette population alors même que la prévalence tabagique décroît chez les hommes jeunes."

Là, c'est un monument. Première phrase : aucun élément scientifique à ce jour permet de conclure que la vape puisse être un effet passerelle vers le tabac. Deuxième phrase : oui mais on ne sait jamais.
Et on retrouve cette notion qui a fait florès dans les années 2010, notamment alors que Marisol Touraine était ministre de la santé : la vape ne participerait pas à la dénormalisation du tabac.
Aucune preuve. Aucun chiffre ne vient étayer cette affirmation. A ce stade, c'est une croyance.
Et toi qui me lis et qui a arrêté le tabac pour la vape, tu pensais participer à la dénormalisation du tabac en l'abandonnant ? Et bien pas du tout si l'on en croit ces brillants chercheurs fonctionnaires !

Dressons donc un bilan : la vape pourrait être un peu moins dangereuse que le tabac. Peut-être un peu moins et encore on n'est pas sûr. La vape pourrait freiner la dénormalisation du tabac, notamment parmi les jeunes. On n'a aucune preuve mais cela se trouve, hein...

En ce moment, la France participe à la mise à jour de la directive européenne sur les produits du tabac et les produits assimilés dont la vape. Vous le sentez venir, le retournement de veste de la France au sein de l'UE ?
Je ne sais pas s'il va avoir lieu mais en tout cas Santé Publique France et l'Institut National du Cancer ont clairement bien balisé le terrain et opéré un bien beau virage en 3 ans alors qu'aucun élément scientifique ou aucune étude scientifique n'est venu conforter ce revirement. Bien au contraire, même !

Bonne lecture et bonne vape !  

@papillon :

Il y a peut-être un discours un peu différent entre le dossier de presse et le rapport de base.
Sauf que les médias se sont précipités sur... le dossier de presse.
C'est ainsi que certains titrent sur le fait que la vape attire trop les jeunes, ce qui n'est d'ailleurs pas le sujet du rapport qui se base sur la perception de la population française du cancer.
Les gens ne retiendront que le dossier de presse qui a insidieusement introduit quelques notions comme le fait que la vape freinerait la dénormalisation du tabac, hypothèse jamais démontrée. Il n'en faut pas plus pour que certains ressortent du chapeau l'interdiction des arômes fruités ou gourmands justement en discussion à Bruxelles.
Je m'étonne du timing.

@papillon :

Je préfère lire l’original et me faire une idée.

Et tu as bien raison ! Toujours aller à la source pour vérifier l'information.

C’est le problème de l’information: selon que le journaliste est pro-vape ou anti-vape, son texte sera un miroir du texte originel, arrangé à sa sauce!

Oui, sauf que là, le problème ne vient pas forcément des journalistes à mon avis. Pas que. Je ne sais pas comment le dossier a été reçu dans les médias. Mais ils ont dû avoir le dossier de presse et le rapport intégral ou juste uniquement le dossier de presse.
Du coup, ils se sont précipités sur le dossier de presse. Normal, ce dernier est rédigé à leur intention.

Et avec des phrases comme :

" La littérature scientifique semble pencher -avec le recul encore faible dont elle dispose- vers une nocivité moindre que celle du tabac." ou encore "Toutefois, l’attractivité de ce dispositif peut représenter un frein à la dénormalisation du tabac"

le dossier de presse me paraît clairement orienté, et pas à l'avantage de la vape, et surtout avec des propos très discutables : pas assez de recul sur la vape arrivée en 2008, il y a maintenant 15 ans ? On n'a pas fait tout un foin pour nous inciter à utiliser un vaccin sorti de labo un an auparavant !
Le dispositif peut représenter un frein à la dénormalisation du tabac ? Où sont les preuves ? Les chiffres qui vont dans ce sens ? Le dossier indique bien qu'il n'y en a pas !
La littérature scientifique semble pencher pour une nocivité moindre de la vape ? Toutes les études qui comparent sérieusement la vape et le tabac sont sans appel : il y a un produit qui a largement fait ses preuves en termes de mortalité ! Ce qui ne veut pas dire que l'utilisation de la vape est sans danger à long terme.

Et, enfin, comme tu le notes, c'est bizarre mais le ton du dossier de presse et celui du rapport, pourtant censés être rédigés par les mêmes organismes n'est pas le même.

Du coup, voilà ce qu'en pense ici Vaping Post qui a lu le rapport intégral et ici le retour du BFM TV qui a juste pris ce qui l'intéressait dans le dossier de presse.

Un même document source mais deux compte-rendus différents.
Alors bien sûr on peut pointer du doigt la trop grande rapidité d'information des journalistes qui ne prennent pas le temps d'analyser et qui se précipitent sur le truc qui va défrayer la chronique, oubliant tout le reste. Mais je reste persuadé que le dossier de presse a donné les outils pour que cela se passe ainsi.

@papillon :

Tu restes sur ton idée, pas de souci Mais je reste sur la mienne, le rédacteur de ce dossier de presse a intégré gentiment les ingrédients nécessaires pour avoir quelques articles qui oublient la teneur du rapport pour se concentrer sur les jeunes et la vape. Mais surtout, comme c'est un des arguments avancés par l'OMS et l'UE pour durcir la législation (on n'a pas de données sur la dangerosité de la vape à long terme ni son efficacité mais cela attire peut-être les jeunes et les pousse probablement vers le tabac), je pense que ce dossier de presse donne les arguments pour que la France accepte sans sourciller les possibles restrictions concoctées avec amour par la commission européenne. Mais ce sera pour notre bien.
Bon, j'espère vraiment me tromper, hein. Mais alors vraiment. Mais clairement, je ne sens pas le ton de ce dossier de presse à l'heure même où l'avenir de la vape se dessine à Bruxelles. Et se décide sans nous, évidemment. Ce serait le comble qu'on nous interroge en démocratie, il ne faut pas pousser.

@papillon :

J'ai regardé quelques minutes de ci de là mais il y a tellement de conneries qui sont racontées que c'est hallucinant et insupportable. Heureusement que Beziau arrive de temps à autre à recentrer le débat.
Mais on se rend compte de la volonté de certains de tuer la vape.
Par contre, il y a un point de vrai : on a laissé les cigarettiers investir le marché, et encore pas trop en France. Du coup, il est facile de dire que la vape est maintenant un produit des cigarettiers.
Les cigarettiers ont menti, exercé des pressions exercé un lobbying outrancier. Cette industrie a montré son peu de sens moral depuis la seconde guerre mondiale. On aurait pu se débarrasser de ces gens. La vape était l'occasion idéale.
Mais on ne l'a pas fait.
Alors les adversaires des cigarettiers arriveront bien à tuer la vape. Le processus est déjà bien avancé dans certains pays comme les USA.